Délit de mise à disposition d’instruments de facilitation de la fraude fiscale : précisions administratives
L’administration fiscale commente le nouveau délit de mise à disposition, à titre gratuit ou à titre onéreux, d’instruments de facilitation de la fraude fiscale.
Pour renforcer l’efficacité et la rapidité de la lutte contre la fraude fiscale, l’article 113 de la loi de finances pour 2024 (Loi 2023-1322 du 29-12-2023 art. 113) a créé un délit autonome de mise à disposition, à titre gratuit ou onéreux, d’un ou de plusieurs moyens, services, actes ou instruments juridiques, fiscaux, comptables ou financiers ayant pour but de permettre à un ou plusieurs tiers de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel d’impôts (CGI art. 1744). Pour rappel, tous les impôts mentionnés au Code général des impôts sont concernés.
L’administration fiscale intègre à sa doctrine ce nouveau délit qui a pour objectif de sanctionner les intermédiaires qui facilitent la fraude fiscale de leurs clients en mettant à leur disposition des schémas ou des dispositifs fiscaux frauduleux. Elle précise que sont notamment visés :
- les intermédiaires qui proposent des schémas de fausse domiciliation fiscale à l’étranger, des montages visant à majorer indûment les charges ou éluder tout ou partie des recettes d’une entreprise, la confection de dossiers de crédits d’impôt fictif, ou encore des schémas de fraude à la défiscalisation outre-mer ;
- les personnes qui créent, à titre individuel, des comptes privés sur les réseaux sociaux incitant ouvertement leurs abonnés à bénéficier de restitutions d’impôt sur le revenu, en contrepartie d’une rémunération.
- Pour rappel, les moyens, services, actes ou instruments sont limitativement énumérés (CGI art. 1744, I-1 à 5°) et consistent en :
- l’ouverture de comptes ou la souscription de contrats auprès d’organismes établis à l’étranger ;
- l’interposition de personnes physiques ou morales ou d’organismes, de fiducies ou d’institutions comparables établis à l’étranger ;
- la fourniture d’une fausse identité ou de faux documents au sens de l’article 441‑1 du Code pénal, ou de toute autre falsification ;
- la mise à disposition ou la justification d’une domiciliation fiscale fictive ou artificielle à l’étranger ;
- la réalisation de toute autre manœuvre destinée à égarer l’administration.
L’administration fiscale précise que cette mise à disposition peut être matérialisée à titre gratuit, par exemple un service au sein d’une entité qui élabore tel ou tel montage au profit de cette entité ou d’une entité liée, sans contrepartie financière, comme à titre onéreux, avec une contrepartie financière, qu’elle soit fixe ou à proportion, par exemple, de l’impôt qu’elle permettrait de frauder.
L’administration donne également des illustrations sur les personnes susceptibles d’être poursuivies.
S’agissant des personnes physiques, il peut s’agir d’usagers créant des comptes privés sur les réseaux sociaux incitant ouvertement leurs abonnés à bénéficier frauduleusement de restitutions d’impôt sur le revenu sous réserve que l’abonné leur transmette ses identifiants et mot de passe sur www.impots.gouv.fr accompagnés d’un RIB et d’un justificatif d’identité. En contrepartie, le détenteur du compte privé bénéficie d’une rémunération proportionnelle à la restitution d’IR obtenue par l’usager.
Les personnes morales susceptibles d’être poursuivies peuvent être notamment des cabinets de conseil ou des structures commercialisant des montages de défiscalisation. L’administration donne l’exemple de la mise en place par une officine de conseil en défiscalisation et son principal dirigeant, avec la complicité d’une banque établie hors de France, d’une offre de services dont ils assuraient la promotion commerciale, y compris sur Internet, consistant en la création de structures à l’étranger chargées, soit d’émettre des factures fictives à destination de sociétés françaises pour leur permettre de diminuer leur résultat fiscal et transférer les fonds correspondant à l’étranger, soit de facturer en lieu et place des sociétés françaises des prestations à leurs clients, permettant aux entreprises françaises de diminuer leur chiffre d’affaires et à leurs dirigeants de l’appréhender frauduleusement hors de France.
L’administration rappelle enfin que contrairement au délit de fraude fiscale, poursuivi selon des règles pénales spéciales, les poursuites peuvent être engagées sans action préalable de l’administration fiscale (dénonciations obligatoires, plaintes).
BOI-CF-INF-40-40 du 28-8-2024
© Lefebvre Dalloz