L’associé retrayant d’une société à capital variable a droit à plus que la reprise de ses apports

L’associé d’une société civile à capital variable qui se retire a droit au remboursement de la valeur de ses droits sociaux, qu’il peut faire fixer par un expert, cette valeur comprenant, sauf cas de perte, l’apport effectué mais ne s’y réduisant pas obligatoirement.

Des associés d’une société civile à capital variable qui en ont été exclus contestent la valeur de rachat de leurs parts par la société et obtiennent en justice la désignation d’un expert chargé de les évaluer sur le fondement de l’article 1843-4 du Code civil. La société demande l’annulation du rapport d’expertise, en faisant valoir que l’article L 231-1 du Code de commerce, propre aux sociétés à capital variable (prévoyant que le capital d’une telle société est susceptible de diminution par la reprise des apports effectués), est un texte spécial écartant l’application du droit commun des sociétés civiles : par dérogation à l’article 1869 du Code civil (aux termes duquel un associé de société civile qui s’en retire a droit au remboursement de la valeur de ses parts fixée, à défaut d’accord amiable, par un expert désigné conformément à l’article 1843-4), l’associé qui sort d’une société à capital variable a droit, non à la valeur de ses parts, mais à la reprise de ses apports.

Argument écarté par la Cour de cassation. Il résulte de l’article L 231-1, al. 2 du Code de commerce que les sociétés à capital variable demeurent soumises aux règles générales qui leur sont propres suivant leur forme spéciale, règles auxquelles il n’est dérogé que dans les limites des dispositions figurant aux articles L 231-1 à L 231-8. Par suite, l’associé d’une société civile à capital variable qui se retire a, en application de l’article 1869 du Code civil, droit au remboursement de la valeur de ses parts et peut, à défaut d’accord amiable, la faire fixer par un expert désigné en application de l’article 1843-4, cette valeur comprenant, sauf cas de perte, l’apport effectué mais ne s’y réduisant pas obligatoirement.

À noter

Cette solution, inédite, est fondée sur une lecture non restrictive de l’article L 231-1 du Code de commerce, disposition propre aux sociétés à capital variable, qui parle de reprise des apports effectués, tandis que l’article 1869 du Code civil parle de remboursement de la valeur des droits sociaux. Toutefois, une société à capital variable ne constitue pas une forme sociale, mais seulement une modalité dérogeant au principe de fixité du capital social ; en outre, en prenant l’article L 231-1 à la lettre, la reprise des apports effectués impliquerait une dispense totale de participation aux pertes ou aux bénéfices, en méconnaissance de la prohibition des clauses léonines.

Un tel résultat aurait eu l’effet paradoxal de placer le porteur de parts d’une société civile à capital variable dans une situation plus défavorable que celle d’un associé coopérateur qui se retire d’une société coopérative, dans la mesure où celui-ci peut, sous certaines conditions, percevoir une quote-part sur les réserves (Loi du 10-9-1947 art. 18), alors que, à la différence des sociétés à capital variable, les sociétés coopératives présentent un caractère désintéressé.

 

Cass. com. 8‑11-2023 n° 22-11.766.

© Lefebvre Dalloz

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