Le locataire commercial ne supporte pas les dégradations dues à la vétusté, sauf clause expresse
La clause d’un bail commercial exigeant du locataire une restitution des lieux en leur état primitif ne lui impose pas de prendre en charge les dégradations dues à la vétusté.
Rappel préliminaire
Si un état des lieux a été dressé lors de l’entrée dans les lieux, le locataire doit rendre les lieux tels qu’il les a reçus sur l’état dressé à l’origine, excepté ce qui a péri ou a été dégradé par vétusté ou force majeure (C. civ. art. 1730). Les réparations réputées locatives ne sont pas à la charge du locataire quand elles ne sont occasionnées que par la vétusté ou la force majeure (C. civ. art. 1755).
Circonstances de l’affaire
La clause « améliorations » d’un contrat de bail commercial portant sur des locaux à l’état neuf prévoit que tous les travaux réalisés par le locataire resteront la propriété du bailleur, celui-ci ayant toutefois le droit d’exiger le rétablissement des lieux dans leur état primitif et aux frais exclusifs du locataire, hormis les travaux d’aménagement. À l’expiration du bail, le bailleur réclame le paiement des travaux permettant de remettre les lieux dans leur état primitif.
Une cour d’appel fait droit à la demande, estimant qu’il n’y avait pas lieu de prendre en considération une quelconque vétusté.
Décision de la Cour de cassation
Après avoir précisé que l’obligation du locataire de restituer les locaux dans leur état primitif n’inclut pas la réparation des dommages dus à la vétusté, sauf convention contraire expresse, la Cour de cassation censure cette décision, faute pour la cour d’appel d’avoir constaté l’existence d’un tel accord.
À noter
1o Les dispositions des articles 1730 et 1755 du Code civil ne sont pas d’ordre public. Les parties peuvent donc y déroger par des conventions particulières. Mais la Cour de cassation interprète restrictivement ces clauses dérogatoires. Ainsi que l’illustre la présente affaire, prévoir une clause exigeant du locataire un rétablissement des lieux dans leur état primitif et aux seuls frais du locataire ne suffit pas à écarter l’article 1730 : un abattement dû à la vétusté doit s’appliquer sur le coût des travaux qui sont à la charge du locataire. Pour qu’il en soit autrement, la clause dérogatoire doit expressément prévoir que les réparations dues à la vétusté sont à la charge du locataire. S’agissant de l’article 1755, il a par exemple été jugé que la clause mettant à la charge du locataire « toutes les réparations » ne suffisait pas à décharger le bailleur de ses obligations relatives à la vétusté (Cass. 3e civ. 7-12-2004 no 03-19.203).
2o Dans les baux commerciaux conclus ou renouvelés depuis le 5 novembre 2014, la liberté contractuelle des parties est toutefois limitée : les dépenses ayant pour objet de remédier à la vétusté ne peuvent pas être imputées au locataire si elles relèvent des grosses réparations (C. com. art. R 145-35, 2o).
Cass. 3e civ. 30-11-2023 n° 21-23-173
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