Les nouvelles conditions d’accès à la retraite progressive
Depuis le 1-9-2023, l’accès au dispositif de la retraite progressive est adapté au nouvel âge légal de départ à la retraite et à la nouvelle durée de cotisation. Les conditions du bénéfice du dispositif ont été précisées par décrets.
La retraite progressive permet aux salariés, sous conditions, de percevoir provisoirement une fraction de leur pension de retraite tout en continuant à travailler à temps partiel ou à temps réduit (pour les salariés au forfait jours). Le montant de la partie de la pension de retraite perçu par le salarié dépend de la quotité de temps de travail effectuée. L’article 26 de la loi 2023-270 de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 du 14-4-2023 a assoupli les conditions pour y accéder, notamment en limitant la possibilité pour l’employeur de refuser une demande de retraite progressive et en permettant au salarié de demander une dérogation à la durée minimale du temps partiel.
Les décrets 2023-751 et 2023-753 du10-8-2023 (JO du 11) adaptent les modalités d’accès à la retraite progressive au relèvement de l’âge légal de départ à la retraite et aux nouvelles mesures d’assouplissement. Ils s’appliquent depuis le 1-9-2023 (Décret 2023-751 du 10-8-2023 art. 9-I et Décret 2023-753 du 10-8-2023 art. 6).
Les salariés déjà bénéficiaires d’une retraite progressive au 1-9-2023 restent soumis au régime applicable avant la réforme. Toutefois, leur pension de retraite complète ne pourra être liquidée que lorsqu’ils rempliront les nouvelles conditions d’âge légal et de durée d’assurance prévues par la réforme (loi art. 26, XII, 4°). La retraite progressive ne peut bénéficier au salarié qu’une seule fois (CSS art. L 161-22-1-7 nouveau).
Le dispositif de retraite progressive est désormais codifié aux articles L 161-22-1-5 à L 161-22-1-9 et R 161-19-5 à R 161-19-11 et D 161-2-24 à D 161-2-24-7 du CSS.
Conditions du bénéfice de la retraite progressive
Le bénéfice d'une retraite progressive est accordé à condition d'avoir atteint un âge inférieur à celui de l’âge légal de départ à la retraite et de justifier d'une certaine durée d'assurance et de périodes reconnues équivalente (CSS art. L 161-22-1-5).
Âge d’ouverture du droit à la retraite progressive : 2 ans avant l’âge légal. L’âge d’ouverture du droit à la retraite progressive correspond à l’âge légal de départ à la retraite abaissé de 2 ans (CSS art. D 161-2-24 nouveau).
Compte tenu du relèvement progressif de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, à raison de 3 mois supplémentaires par génération pour les assurés nés à partir du 1-9-1961, l’âge d’ouverture du droit à la retraite progressive est également relevé de 3 mois par génération pour atteindre l’âge de 62 ans pour les assurés nés à partir de 1968 :
Année de naissance |
Age légal de départ à la retraite |
Age d’ouverture à la retraite progressive retraite progressive |
Du 1-1 au 31-8-1961 |
62 ans |
60 ans |
Du 1-9 au 31-12-1961 |
62 ans et 3 mois |
60 ans et 3 mois |
1962 |
62 ans et 6 mois |
60 ans et 6 mois |
1963 |
62 et 9 mois |
60 ans et 9 mois |
1964 |
63 ans |
61 ans |
1965 |
63 ans et 3 mois |
61 ans et 3 mois |
1966 |
63 ans et 6 mois |
61 ans et 6 mois |
1967 |
63 ans et 9 mois |
61 ans et 9 mois |
Dès le 1-1-1968 |
64 ans |
62 ans |
Durée d’assurance. Comme auparavant, pour bénéficier de la retraite progressive, le salarié doit totaliser une durée d’assurance et de périodes reconnues équivalentes d’au moins 150 trimestres dans un ou plusieurs régimes obligatoires de base d’assurance vieillesse (CSS art. R 161-19-5 nouveau ; Décret 2023-751 art. 2).
Condition d’activité pour les salariés soumis à une durée du travail en heures ou en jours. Le bénéfice de la retraite progressive est accordé au salarié qui exerce une activité salariée à temps partiel ou à temps réduit par rapport à la durée maximale légale ou conventionnelle de travail exprimée en jours ou en demi-journées et qui justifie d'une quotité de temps de travail comprise entre deux limites (CSS art. L 161-22-1-5, 1°).
La quotité de temps de travail accomplie doit, comme auparavant, être comprise entre 40 % et 80 % de la durée du travail, légale ou conventionnelle, d’un temps complet dans l’entreprise, soit une quotité de temps de travail comprise entre 14 et 28 heures par semaine pour la durée du travail légale de 35 heures hebdomadaires ou entre 87 et 174 jours annuels pour un forfait de 218 jours par an (CSS art. R 161-19-6, I ; Décret 2023-751 art. 2).
À noter. Si les salariés exercent des activités à temps partiel ou à temps réduit auprès de plusieurs employeurs, leur durée d’activité est appréciée sur la base du nombre moyen d’heures d’accueil de travail par contrat de travail. La quotité de travail à temps partiel ou à temps réduit global est définie comme la somme des quotités de travail soit à temps partiel par rapport à la durée de travail à temps complet, soit à temps réduit par rapport à la durée maximale de travail exprimée en jours applicables à chacun des emplois (CSS art. D 161-2-24-5, al 1 et 2 ; Décret 2023-753 art. 3).
Condition de revenus pour les salariés non soumis à une durée de travail. Le bénéfice de la retraite progressive est accordé à l’assuré exerçant à titre exclusif une activité salariée ou non salariée non soumise à une durée d'activité définie par un employeur (VRP, salariés rémunérés à la tâche, au rendement, à la pige…) qui lui procure un revenu minimal et donne lieu à diminution des revenus professionnels (CSS art. L 161-22-1-5, 2°).
Un revenu minimal. L’assuré peut bénéficier de la retraite progressive si le revenu annuel que cette activité lui a procuré l’avant-dernière année civile précédant la date de sa demande de retraite progressive est supérieur ou égal à 40 % du Smic brut en vigueur au 1er janvier de l’année considérée, calculé sur la durée légale du travail (CSS art. D 161-2-24-1, I ; Décret 2023-753 art. 3).
Diminution des revenus professionnels. La diminution des revenus professionnels perçus dans le cadre de la retraite progressive doit être comprise entre 20 % et 60 % des revenus antérieurs. Cependant, si la diminution des revenus professionnels excède 60 % pendant une période ne pouvant excéder 1 an, la condition est réputée satisfaite.
Ce pourcentage de diminution des revenus professionnels est calculé le 1er juillet de chaque année et correspond au rapport entre la diminution des revenus professionnels de l'année précédente et la moyenne annuelle des revenus professionnels des 5 années précédant la demande de retraite progressive, actualisés en fonction des coefficients de revalorisation basés sur l’inflation. Les revenus pris en compte sont ceux retenus pour constituer l'assiette de l'impôt sur le revenu (CSS art. D 161-2-24-1, I).
Montant et service de la fraction de pension
Date d’entrée en jouissance. Le service de la fraction de pension prend effet au 1er janvier qui suit la demande (CSS art. D 161-2-24-2 ; Décret 2023-753 art. 3).
Montant de la pension. Pour les salarié soumis à une durée du travail, la fraction de pension servie est égale à la différence entre 100 % et la quotité de travail à temps partiel ou à temps réduit globale (CSS art. D 161-2-24-3, I ; Décret 2023-753 art. 3).
Pour les assurés non soumis à une durée du travail, la fraction de pension servie est égale à la différence entre 100 % et la quotité de revenus professionnels. Comme auparavant, la fraction de pension est fixée, à titre provisionnel, à 50 % de la pension de retraite pendant les 18 premiers mois. À compter du 1er juillet de la deuxième année puis chaque 1er juillet ensuite, il est procédé le cas échéant à sa révision afin que le montant de la fraction de pension corresponde bien à la différence entre 100 % et la quotité de revenus professionnels (CSS art. D 161-2-24-3, I et II ; Décret 2023-753 art. 3).
Changement de situation de l’assuré. L’assuré doit toujours informer l’organisme assurant le service de sa fraction de pension (CSS art. R 161-19-10 ; décret 2023-751 art. 2) :
- de la cessation de son activité ;
- de l’exercice de toute activité professionnelle autre que celles qui lui ouvrent droit au service de la fraction de pension ;
- de toute modification de situation affectant le versement de la fraction de pension.
Demande de la retraite progressive
Le salarié souhaitant bénéficier de la retraite progressive doit adresser sa demande de travail à temps partiel ou à temps réduit pour le salarié en forfait-jours à l'employeur par lettre recommandée avec avis de réception (LR/AR).
La demande qui doit préciser la durée de travail souhaitée (à temps partiel ou à temps réduit) ainsi que la date d'effet envisagée pour sa mise en œuvre, doit être adressée par le salarié 2 mois au moins avant cette date.
L'employeur doit répondre à la demande du salarié par LR/AR dans un délai de 2 mois à compter de la réception de celle-ci (C. trav. art. D 3123-1-1 et D 3121-36 ; Décret 2023-753 art. 4).
Rappel. L’employeur doit adresser au salarié une réponse écrite et motivée à sa demande. À défaut, l’accord de l’employeur est réputé acquis. L’employeur doit obligatoirement justifier son refus par l’incompatibilité de la durée de travail demandée par le salarié avec l’activité économique de l’entreprise (loi art. 26, V, 3° et 4° et XII, 8° ; C. trav. art. L 3121-60-1 nouveau et L 3123-4-1 nouveau).
Autre rappel. Depuis le 1-9-2023, les salariés souhaitant bénéficier de la retraite progressive peuvent demander à travailler moins que la durée minimale de travail à temps partiel, soit moins que 24 h par semaine ou moins que la durée fixée par accord de branche étendu. Cette possibilité bénéficie également aux salariés en retraite progressive au 1-9-2023. L’employeur doit informer chaque année le comité social et économique (CSE) du nombre de demandes de dérogation individuelle à la durée minimale de travail à temps partiel (loi art. 26, V, 5° et 6°, XII, et XII, 5° ; C. trav. art. L 3121-60-1 nouveau, L 3123-4-1 nouveau et L 3123-16 modifié).
Démarches pour obtenir la pension provisoire
Organisme compétent. Le salarié doit adresser sa demande de retraite progressive à l’organisme, l’établissement ou le service gérant l’un des régimes auxquels il est affilié à la date de sa demande (CSS art. R 161-19-8, I ; Décret 2023-751 art. 2).
Justificatifs à joindre. Le salarié soumis à une durée du travail définie en heures ou en jours doit y joindre (CSS art. R 161-19-7, I ; Décret 2023-751 art. 2) :
- le ou les contrats de travail à temps partiel ou à temps réduit en cours d’exécution à la date d’entrée en jouissance de la pension de retraite ;
- une déclaration sur l’honneur attestant qu’il n’exerce plus aucune autre activité professionnelle que celle ou celles faisant l’objet du ou des contrats de travail fournis, accompagnée de tout document justifiant de cette situation, selon un modèle publié par arrêté ;
- une attestation de l’employeur faisant apparaître la durée du travail à temps complet ou la durée maximale exprimée en jours, applicables à l’entreprise, selon un modèle publié par arrêté ;
- ses bulletins de paie des 12 mois civils précédant la date de dépôt de la demande.
L’assuré, salarié ou non, non soumis à une durée du travail définie par un employeur doit joindre à sa demande (CSS art. R 161-19-7, II) :
- une déclaration sur l’honneur attestant qu’il n’exerce pas d’autre activité professionnelle à la date d’entrée en jouissance de la pension de retraite. Cette déclaration doit être accompagnée de tout document justifiant de cette situation ;
- ses déclarations fiscales des revenus des 5 dernières années. Pour chaque année suivante, il devra produire avant le 1er juillet la déclaration fiscale des revenus de l’année précédente.
Révision, suspension ou suppression de la fraction de pension
Révision. Les salariés à temps partiel ou à temps réduit doivent déclarer toute modification de leur quotité de travail. En cas de modification ayant une incidence sur la fraction de pension à percevoir, la pension est révisée au premier jour du mois civil suivant celui où la modification est intervenue, et non plus à l’issue d’une période d’un an à compter de la date d’effet de la retraite progressive (CSS art. D 161-2-24-4, I ; Décret 2023-753 art. 3 ; CSS art. R 351-42, I ancien).
Les assurés dont l’activité n’est pas soumise à une durée du travail doivent justifier de la diminution de leurs revenus professionnels à l’issue de chaque période d’un an. En cas de modification ayant une incidence sur la fraction de pension, la pension est révisée à la date du premier versement suivant la fin de la dernière période annuelle écoulée (CSS art. D 161-2-24-4, II).
Suspension. Le service de la fraction de pension est suspendu lorsque les conditions pour en bénéficier ne sont plus réunies. Cette suspension prend toujours effet au premier jour du mois suivant celui au cours duquel les conditions pour en bénéficier ne sont plus remplies. Le versement de la fraction de pension reprend le premier jour du mois suivant celui au cours duquel l’assuré remplit à nouveau les conditions pour en bénéficier, sous réserve de produire des justificatifs à la caisse de retraite (CSS art. R 161-19-11, II ; Décret 2023-751 art. 2).
Suppression. La suppression de la fraction de pension prend effet au premier jour du mois civil suivant celui où les conditions de suppression sont remplies (CSS art. R 161-19-11, I ; Décret 2023-751 art. 2).
Le service de la fraction de pension est supprimé à titre définitif, sans possibilité de présenter une nouvelle demande de bénéfice de la retraite progressive si l’assuré reprend une activité à temps complet ou si le revenu tiré de l’activité professionnelle atteint ou excède le montant de revenu professionnel perçu antérieurement au service de la fraction de pension (CSS art. L 161-22-1-8 al. 1).
Le service de la fraction de pension est remplacé par le service de la pension de retraite complète, liquidée dans les conditions de droit commun. Celle-ci ne peut pas être inférieure au montant entier ayant servi de base au calcul de la fraction de pension, le cas échéant revalorisé en fonction des coefficients basés sur l’inflation (CSS art. D 161-2-24-7 ; Décret 2023-753 art. 3).
Recouvrement des trop-perçus et versement des sommes dues. En cas de suppression ou de révision de la fraction de pension de retraite et en cas de suspension ou de reprise de son versement, la caisse de retraite doit procéder, selon le cas, au remboursement à l’assuré des sommes qui lui sont dues, ou au recouvrement des sommes perçue en trop par celui-ci, sur une période de 12 mois ou, à la demande de l’assuré, sur une période plus courte (CSS art. R 161-19-11, III ; Décret 2023-751 art. 2). Pour les assurés non soumis à une durée du travail, en cas de révision de leur fraction de pension, les sommes trop perçues sont imputées sur les mois d’arrérages suivants pour un montant égal (CSS art. R 161-19-11, III).
Sources : Décrets 2023-751 et 2023-753 du 10-8-2023, JO du 11 ; Loi 2023-270 du 14-4-2023 art. 26, JO du 15
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