Mise en place du nouveau plan de partage de la valorisation de l’entreprise
Instauré par la loi 2023-1107 du 29-11-2023 portant transposition de l’ANI relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, le plan de partage de la valorisation de l'entreprise permet aux employeurs d’octroyer à leurs salariés une prime reflétant la valorisation de l’entreprise. Ces modalités de mise en œuvre et son fonctionnement ont été précisés par un décret du 29-6-2024.
L’article 10 de la loi 2023-1107 du 29-11-2023 sur le partage de la valeur a créé un plan de partage de la valorisation de l'entreprise (PPVE) pouvant être institué à titre facultatif, depuis le 1-7-2024, dans les entreprises et dans les groupes d’entreprises. Ce dispositif permet de verser aux salariés une prime de partage de valorisation de l’entreprise lorsque la valeur de l’entreprise augmente sur une période de 3 ans, fixée par le plan, tout en bénéficiant d’un régime social et fiscal de faveur.
Le décret 2024-644 du 29-6-2024 pris en application de la loi 2023-1107 du 29-11-2023 a précisé les modalités de mise en œuvre du PPVE qui s’appliquent depuis le 1-7-2024 (Décret 2024-644 du 29-6-2024 art. 2, JO du 30).
Bon à savoir. Ce nouveau dispositif de partage de la valeur permet aux dirigeants des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaires (ETI) non cotées d’attribuer à leurs salariés une prime qui reflète la valorisation de l’entreprise et de les associer ainsi financièrement à la progression de la valeur de leur entreprise, sans passer par un dispositif d’actionnariat salarié.
Modalités de mise en place du PPVE
Employeurs concernés : entreprises de toute taille
Peuvent mettre en place un PPVE les entreprises de droit privé, les établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), les établissements publics administratifs (EPA) lorsqu'ils emploient du personnel de droit privé, les groupes d’entreprises constitués par des entreprises juridiquement indépendantes, mais ayant établi entre elles des liens financiers et économiques, y compris ceux constitués par des sociétés coopératives, des unions de coopératives et de leurs filiales (C. trav. art. L 3311-1, L 3344-1 et L 3344-2 ; Loi art. 10, II).
Une entreprise ne peut mettre en place qu’un seul PPVE sur une même période de 3 ans.
Salariés bénéficiaires
Tous les salariés de l’entreprise ou du groupe ayant au moins 1 an d'ancienneté dans l'entreprise bénéficient du PPVE, sauf si l’accord le mettant en place prévoit une ancienneté inférieure. Cette ancienneté s’apprécie à la date de début de la valorisation fixée par l’accord instituant le PPVE et elle est calculée en prenant en compte tous les contrats de travail exécutés dans l'entreprise ou dans le groupe d'entreprises au cours des 12 mois précédant cette date (Loi art. 10, III).
Bon à savoir. Les salariés qui atteignent l'ancienneté nécessaire ou qui quittent l'entreprise de manière définitive au cours de la durée de 3 ans du PPVE ne bénéficient pas de la prime de partage de la valorisation de l'entreprise (Loi art. 10, III).
Mise en place par accord
Le PPVE est mis en place par un accord, établi sur rapport spécial du commissaire aux comptes de l'entreprise ou, s'il n'en a pas été désigné, d'un commissaire aux comptes désigné à cet effet par l'organe compétent de l'entreprise ou du groupe, selon l'une des modalités suivantes :
- par une convention ou un accord collectif de travail ;
- par un accord entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales représentatives dans l'entreprise ;
- par un accord conclu au sein du comité social et économique (CSE) ;
- à la suite de la ratification à la majorité des 2/3 du personnel d'un projet d'accord proposé par l'employeur (Loi art. 10, X).
À noter. Lorsqu'il existe dans l'entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un CSE, la ratification doit être demandée conjointement par l'employeur et par une ou plusieurs de ces organisations ou le CSE (Loi art. 10, X).
Contenu de l’accord. L'accord instituant le PPVE doit définir notamment :
- le montant de référence auquel sera appliqué le taux de variation de la valeur de l'entreprise ;
- les éventuelles conditions de modulation du montant de référence entre les salariés ;
- la formule de valorisation retenue pour les entreprises dont les titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ;
- la date d'appréciation de la valeur de l'entreprise qui constitue le point de départ de la durée de 3 ans du PPVE et la date 3 ans plus tard d'appréciation de la valeur de l'entreprise permettant de calculer le taux de variation de la valeur de l’entreprise ;
- la ou les dates de versement de la prime.
À noter. L'accord peut prévoir la reconduction du PPVE ; dans ce cas, il doit préciser ces mêmes éléments pour la mise en œuvre de cette reconduction (Loi art. 10, XI).
Une prime de PPVE pour les salariés
Prime de partage de la valorisation de l'entreprise. Le PPVE permet aux salariés de bénéficier d'une prime de partage de la valorisation de l'entreprise dans le cas où la valeur de l'entreprise a augmenté au cours des 3 années suivant la date de début de la période de 3 ans fixée par l’accord instituant le plan.
Calcul de la prime. Un montant de référence est fixé pour chaque salarié en application de l'accord. Pour chaque salarié, la prime de partage de la valorisation de l'entreprise résulte de l'application à ce montant de référence du taux de variation de la valeur de l'entreprise, lorsque ce taux est positif. Si ce taux est négatif ou nul, le salarié ne bénéficie d'aucune prime de partage de la valorisation (Loi art. 10, IV).
Montant de référence modulable. Le montant de référence peut être modulé selon les salariés en fonction de la rémunération, du niveau de classification ou de la durée de travail prévue au contrat de travail en cas de temps partiel (Loi art. 10, V).
Détermination du taux de variation de la valeur de l’entreprise. Le taux de variation de la valeur de l'entreprise correspond au taux de variation constaté entre :
- la valeur de l'entreprise déterminée à la date de début du PPVE fixée par l'accord ;
- et la valeur de l'entreprise à l'expiration du délai de 3 ans débutant le lendemain de cette date (Loi art. 10, VI).
Les règles de valorisation de l’entreprise sont différentes selon qu’il s’agit d’une entreprise cotée ou non cotée :
- pour les entreprises constituées sous la forme de sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, la valeur de l'entreprise correspond à sa capitalisation boursière moyenne sur les 30 derniers jours de bourse précédant les dates de début et de fin de la période de 3 ans ;
- pour les entreprises non cotées, la formule de valorisation de l'entreprise est déterminée par l'accord instituant le PPVE et s’applique aux dates de début et de fin de la période de 3 ans. La formule de valorisation de l'entreprise permet d'évaluer la valeur de l'entreprise en tenant compte, selon une pondération appropriée à chaque cas, de la situation nette comptable, de la rentabilité et des perspectives d'activité. Ces critères sont appréciés, le cas échéant, sur une base consolidée ou, à défaut, en tenant compte des éléments financiers issus des filiales significatives.
Cette formule peut s'appuyer sur des comparaisons avec d'autres entreprises du même secteur.
À noter. Si l'accord ne contient pas de formule de valorisation de l'entreprise ou si cette formule est impossible à appliquer, la valorisation de l'entreprise est égale au montant de l'actif net réévalué, calculé d'après le bilan le plus récent.
Montant maximal de la prime attribuée. Le montant de la prime distribuée à un même salarié ne peut, au titre d'un même exercice, excéder une somme égale aux 3/4 (75 %) du montant annuel du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) (Loi art. 10, VII).
Délai de versement. Les sommes dues aux salariés au titre du PPVE sont arrêtées dans un délai de 7 mois suivant la date de fin du plan (à savoir le terme de la période de 3 ans).
Le versement de la prime peut être réalisé en une ou plusieurs fois au cours des 12 mois suivants (Loi art. 10, VIII).
Non-substitution au salaire et aux autres dispositifs d’épargne salariale. La prime attribuée aux salariés en application d’un PPVE ne peut pas se substituer :
- à des éléments de rémunération pris en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations sociales, qui sont en vigueur dans l'entreprise au moment de la mise en place du PPVE ou qui deviennent obligatoires en application de règles légales, contractuelles ou d'usage ;
- à un autre dispositif d'épargne salariale ou de partage de la valeur ;
- à des augmentations de rémunération ou à des primes prévues par un accord salarial, par le contrat de travail ou par les usages en vigueur dans l'entreprise ou le groupe.
Cependant, cette règle ne peut pas avoir pour effet de remettre en cause les exonérations fiscales et sociales applicables aux primes attribuées dès lors qu'un délai de 12 mois s’est écoulé entre le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et la date de mise en place du plan.
La prime attribuée au titre du PPVE n'a pas le caractère d'élément de salaire pour l'application de la législation du travail (Loi art. 10, IX).
Régime social de la prime
Exonération sociale. Les primes de PPVE versées dans la limite d’un montant de 75 % du PASS au cours des exercices des 2026, 2027 et 2028 seront exonérées :
- de toutes les cotisations sociales d'origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l'employeur ;
- du forfait social ;
- de la participation patronale à l’effort de construction ;
- des contributions au titre de la formation professionnelle et de l’alternance.
Les primes seront soumises lors de leur versement, :
- à la charge du salarié, à la CSG (au taux de 9,20 %) et à la CRDS (au taux de 0,50 %)
- à la charge de l’employeur, à une contribution patronale au taux de 20 % au profit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV), établie, recouvrée et contrôlée dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités applicables à la contribution sur les attributions d’actions gratuites (AGA) (Loi art. 10, XIII).
Dépôt de l’accord de PPVE pour bénéficier des exonérations
Pour ouvrir droit aux exonérations fiscales et sociales, l'accord instituant le PPVE doit être déposé auprès de l'autorité administrative compétente (Loi art. 10, XIV). Le décret 2024-644 du 29-6-2024 (JO du 30) a précisé les modalités de ce dépôt.
Le PPVE, ainsi que ses avenants et annexes, doivent être déposés, de façon dématérialisée, par l’employeur sur la plate-forme TéléAccords dans les conditions prévues au II de l'article D 2231-2 du Code du travail (Décret 2024-644 art. 2, I), à savoir dans les conditions de droit commun de dépôt des accords collectifs de groupe, d'entreprise ou d'établissement, le dépôt étant de ce fait effectué par le représentant légal du groupe, de l'entreprise ou de l'établissement (Décret art. 2, I).
Le dépôt doit être accompagné des pièces suivantes :
- dans tous les cas, de la version signée des parties ;
- si le PPVE a été conclu par un accord collectif de travail, d’une copie du courrier, du courrier électronique ou du récépissé ou d'un avis de réception daté de notification du texte à l'ensemble des organisations représentatives à l'issue de la procédure de signature, et, s'il y a lieu, du procès-verbal du résultat du référendum d'entreprise organisé pour valider l'accord ;
- si le PPV a été conclu entre l'employeur et les représentants d'organisations syndicales, de la mention que ces représentants ont la qualité de délégués syndicaux ou, à défaut, du texte du mandat les habilitant à signer l'accord ;
- si l'accord a été conclu au sein d'un CSE entre l'employeur et la délégation du personnel statuant à la majorité, du procès-verbal de la séance ;
- si l'accord résulte, après consultation de l'ensemble des salariés inscrit à l'effectif de l'entreprise, de la ratification par les deux tiers des salariés, du projet proposé par l'employeur (Décret art. 2, I).
Contrôle par l’Urssaf. Le contrôle de l'accord de PPVE est effectué par l’Urssaf (ou la MSA ou CGSS) dans les conditions et selon les modalités prévues pour les accords et règlements d'épargne salariale qui prévoient la délivrance par l'administration du travail d'un récépissé de dépôt de l'accord et des documents annexes, et la transmission desdits documents sans délai à l'Urssaf, qui dispose d'un délai de 3 mois pour demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales ou réglementaires
Ce délai ne court qu'à réception par l'Urssaf des documents obligatoires nécessaires pour effectuer ce contrôle, et sous réserve que l'Urssaf ait préalablement informé le déposant de ce délai, dans ce même délai de 3 mois (Décret art. 2, II ; C. trav. art. D 3345-5).
En l'absence d'observation par l’Urssaf à l'expiration de ce délai de 3 mois, les exonérations sociales liées au PPVE sont réputées acquises (Loi art. 10, XIV).
Le PPVE n’a pas à être publié dans la base de données légales nationales des accords collectifs (Loi art. 10, XV).
Informations des salariés
Remise d’une fiche d'information au salarie au début du plan. Après le dépôt du PPVE, l'employeur doit remettre à chaque salarié concerné une fiche distincte du bulletin de paie qui indique :
- le montant de référence qui lui est attribué ;
- le cas échéant, le critère de modulation qui lui a été appliqué ;
- la règle de valorisation applicable ;
- les conditions prévues pour pouvoir bénéficier de la prime de PPVE à l'expiration du délai de 3 ans (Décret art. 2, IV).
À noter. La remise de cette fiche peut être effectuée par voie électronique dans des conditions de nature à garantir son intégrité, sauf opposition du salarié concerné (Décret art. 2, IV).
Remise d’une fiche d'information au salarié lors du versement de la prime. Les sommes attribuées en application du PPVE font l'objet d'une fiche distincte du bulletin de paie mentionnant pour chaque salarié :
- le montant de référence qui lui a été attribué ;
- le montant de la prime qui lui a été octroyée ;
- la retenue opérée au titre de la CSG-CRDS ;
- la possibilité d'affectation de ces sommes à un plan d'épargne salariale ou retraite (PEE, PEI, Perco, Pereco, Pereco iinterentreprises, Pero) et le délai de demande d'affectation ;
- lorsque la prime est investie sur un plan d'épargne salariale ou retraite, le délai à partir duquel les droits nés de cet investissement seront disponibles et les cas de déblocage anticipé.
Cette fiche d’information doit également comporter, en annexe, une note qui rappelle les règles essentielles de calcul et de modulation du montant de référence prévues par le PPVE (Décret art. 2, V).
À noter. La remise de cette fiche peut être effectuée par voie électronique dans des conditions de nature à garantir son intégrité, sauf opposition du salarié concerné (décret art. 2, V).
Exonération d’impôt sur le revenu en cas d’affectation de la prime de PPVE à un plan d’épargne salariale ou à un plan d’épargne retraite d’entreprise
Lorsqu'un salarié qui a adhéré à un plan d'épargne salariale ou retraite (PEE, PEI, Perco, Perco interentreprises, Pereco, Pereco interentreprises et Pero) affecte à la réalisation de ce plan, tout ou partie de la prime de PPVE qui lui est attribuée par l'entreprise, ces sommes bloquées sont exonérées d'impôt sur le revenu dans la limite de 5 % du montant maximal de la prime, soit 3,75 % (5 % de 75 % du PASS), par an et par bénéficiaire (Loi art. 10, XII).
À noter. En cas de non-affectation de la prime de PPVE à un plan d'épargne salariale ou retraite, elle est soumise à l’impôt sur le revenu.
L'employeur doit informer le salarié des sommes qui lui sont attribuées au titre de la prime de PPVE et du délai dans lequel il peut formuler sa demande d'affectation à un plan d'épargne salariale ou retraite (Loi art. 10, XII).
Le décret 2024-644 a précisé le délai d’affectation de la prime de PPVE à un plan d'épargne salariale ou retraite.
Affectation dans les 15 jours. La demande d'affectation des sommes distribuées par application du PPVE à un plan d'épargne salariale (PEE, PEI, Perco et Perco interentreprises) ou à un plan d'épargne retraite d'entreprise (Pereco, Pereco interentreprises ou Pero) doit être formulée par les bénéficiaires dans un délai maximal de 15 jours à compter de la réception, par tout moyen permettant d'en apporter la preuve, de la fiche distincte du bulletin de paie les informant du montant attribué et dont ils peuvent demander le versement (Décret art. 2, III).
En cas de départ du salarié de l'entreprise avant le versement
Le décret 2024-644 indique la marche à suivre lorsqu'un salarié quitte l'entreprise après l'expiration du délai de 3 ans prévu par le PPVE, mais avant la date de versement de la prime : l'employeur doit lui demander l'adresse à laquelle il pourra être informé de ses droits et de le prévenir de ses changements d'adresse éventuels (Décret art. 2, VI).
Lorsque le calcul de la prime de PPVE intervient après le départ de salariés susceptibles d'en bénéficier, la fiche d’information à remettre au salarié lors du versement de la prime et son annexe devront leur être adressées pour les informer de leurs droits (Décret art. 2, VI).
Lorsque le salarié ne pourra pas être atteint à la dernière adresse qu'il a indiquée, les sommes auxquelles il peut prétendre devront être tenues à sa disposition par l'entreprise pendant une durée d'un an à compter de la date limite de versement de la prime.
Passé ce délai, elles devront être remises à la Caisse des dépôts et consignations, où l'intéressé pourra les réclamer jusqu'au terme du délai de 30 ans prévu à l'article L 518-24 du Code monétaire et financier (Décret art. 2, VI).
Sources : Décret 2024-644 du 29-6-2024, JO du 30 ; Loi 2023-1107 du 29-11-2023 transposant l’ANI relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise art. 10 et 11, JO du 30.
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