Publier une offre d'emploi en vue de remplacer le gérant avant sa révocation rend celle-ci abusive
La société qui publie, le jour même de la convocation du gérant à l'assemblée des associés ayant pour objet sa révocation, une offre d'emploi sur le poste qu'il occupe engage sa responsabilité à l'égard de l'intéressé.
Estimant avoir été abusivement révoqué, l'ancien gérant d'une société agit contre elle afin d'obtenir réparation du préjudice qu'il considère avoir subi. Il invoque divers abus, un seul étant retenu par la cour d'appel de Poitiers.
Le fait que la société ait ménagé un délai de 16 jours au gérant pour préparer sa défense rendait la convocation de celui-ci à l'assemblée des associés exclusive de toute brutalité ou déloyauté ; l'ancien gérant reprochait en vain à la société, qui n'y était pas tenue, de ne l'avoir pas recontacté à l'issue des investigations effectuées à son sujet deux mois avant de le convoquer.
De même, le fait que cette convocation était intervenue à l'occasion des congés de fin d'année, hors de tout autre élément, n'était pas de nature à caractériser des circonstances brutales ou vexatoires, pas plus que le fait d'avoir auparavant avisé le gérant du versement d'une prime, dès lors que celle-ci lui était due.
En revanche, en publiant, le jour même de l'envoi de la convocation à l'assemblée ayant pour objet la révocation, une offre d'emploi sur le poste de responsable de magasin occupé par le gérant, la société avait laissé présumer, de surcroît publiquement, la décision qu'elle prendrait à cet égard en assemblée. Cette circonstance, seule à être vexatoire, avait causé un préjudice moral au gérant évincé.
Par suite, la cour d'appel a condamné la société à payer à l'intéressé 5 000 € à titre de dommages-intérêts.
À noter
Solution rendue à propos d'une SARL mais transposable. Comme le rappelle l'arrêt commenté, la révocation d'un dirigeant social peut intervenir à tout moment, et n'est abusive que si elle a été accompagnée de circonstances portant atteinte à son honneur ou à sa réputation, ou si elle a été décidée brutalement, sans respecter l'obligation de loyauté dans l'exercice du droit de révocation.
S'agissant de l'obligation de loyauté, s'il n'est pas nécessaire de communiquer au dirigeant concerné les motifs de la révocation envisagée préalablement à la réunion de l'organe social chargé de le prononcer, il faut en revanche que l'intéressé ait été convoqué à cette réunion et que, s'il était présent, il ait eu la possibilité de connaître ces motifs et de les discuter avant que la décision prise à son encontre ne soit votée (notamment Cass. com. 14-5-2013 n° 11-22.845). Ainsi, le délai pour préparer sa défense peut être très court : n'a par exemple pas été jugée abusive la révocation décidée par une assemblée convoquée le matin pour l'après-midi (Cass. com. 6-11-2012 n° 11-20.582).
S'agissant du respect dû à l'honneur et à la réputation du dirigeant, a été jugé vexatoire le fait de désigner le successeur du dirigeant (CA Rouen 16-12-2004 n° 04-746) ou d'affecter le bureau du dirigeant à son successeur pressenti (CA Paris 12-10-2000 n° 1998/14892) avant que sa révocation ne soit décidée.
CA Poitiers 25-4-2023 n° 22/00108.
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